Un trou dans le coeur
Bernard Dreyfus
Je suis la mer sans étendue, le ventre ouvert
Je sens un appel d'air, c’est un trou dans mon coeur
Un trou vide qui engloutit l’invisible et la peur
Informe de son futur qui ne voit pas les heures
J’aurais aimé qu’il y ait un gardien une clé
Ayant le pouvoir sur ce tout formé de rien
De l’essence arrachée puis offerte à la pluie
J’ai même souhaité qu’il en devienne l’ombre
Une complainte d’automne de mon cœur autonome
Il n’y a de gardien que ma seule solitude
Comme une dune dans un immense désert
Qui se déplace au gré des humeurs intestines
De bourrasques en blizzards et parfois en rafales
Dans la lueur pâle elle a construit ses murs
Sa muraille de chine intérieure son dédale
Son hologramme psittacique bouche cousue
Sillonne les spirales sans trouver la sortie
Une solitude qui ancre dans la pierre son âme
Plus loin sur les chemins obscurs d’un nulle part
Plus loin dans le retard plus loin dans le regard
Qui fixe les contours jusqu'à ne plus les voir
Qui ferme la marche et ne répare plus rien
Ni le trou ni les yeux tournés sur l’intérieur
Fixés sur cette béance qui crie à bouche ouverte
Qui ne comprend plus rien et pleure comme un chien
Couché devant les mots dans la plainte du dire
Sans arriver à faire entendre sa fureur
Ouvert et sanglant de sa belle déchirure
C’est un immense trou au milieu de mon cœur